Sunday 10 October 2010

Il ne s'est rien passé à Odessa

Toi
je t'ai trouvée
mais toi non.
Pourquoi es-tu si gentille aussi ?
Tu réapparais dans ma vie
tu veux être mon amie
et ta photo qui surgit
encore et encore sur Facebook
ça me caresse le coeur
c'est insupportable c'est bon
comme ces trucs à plumes roses
qui te dépoussièrent la maison
comme ça,
gentillement,
lentement,
tendrement,
atrocement.
Je te vois je t'aime je te veux,
c'est simple, clair,
comme un mec amoureux
ta peau si blanche, tes cheveux noirs
et moi au dessus de tout ça
et moi...
mais je ne suis pas un mec
j'ai encore oublié !
Et d'aller dans ta ville quand tu n'y es pas,
ai-je marché où tu as marché ?
Sur quel trottoir dans quel boulevard ?
Où t'es-tu assise ?
Dans quel bar quel restaurant ?
Tu étais là oui vraiment ?
Et les musées ? T'es-tu arrêtée devant ce tableau
comme moi j'ai fait à en presque pleurer
Victoria Dorogan le jour et la nuit m'a fait trembler
oui vraiment ou bien était-ce celui-là, toi, qui t'as fait trembler ?
Etait-ce La Babylone Ukrainienne ?
Et c'est vrai quel bordel de culture
"les colonies allemandes figurent parmi les acheteurs"
pour les brebis métisses that is et les juifs les français ?
Les boulevards et les trottoirs c'est tellement peu russe
que ça l'est beaucoup et les violons dans l'orchestre tellement juifs
-c'est sûr un violon c'est plus facile à prendre en cas de pogrom
dit la blague triste et drôle comme les histoires d'Isaak Babel
je n'ai pas trouvé sa maison d'ailleurs c'était le début de la fin là déjà
ça s'est passé, l'impossibilité, en plus du rhume et la difficulté d'aller
nager, quelque chose de nul -oh quelle idée... aller dans ta ville
un matin je pleurais de joie, l'après-midi d'ennui
tu ne m'aimes pas c'est pire tu m'aimes bien
on est copines sur Facebook c'est super bien
et les photos ternes que j'ai prises absentes de toi
putain qu'est-ce que j'ai pu me faire chier dans ta ville
à vrai dire c'est à peine croyable
c'est Vienne c'est Paris c'est le midi c'est l'est
c’est l’ouest et le nord aussi c'est à rien y comprendre
et sur le port je n'ai pas vu de matelots
ils étaient sur les marches à se faire prendre en photo
et des femmes quelquefois sortent des boutiques
autant habillées que dans leurs chambres à coucher
les hommes trébuchent moi je ne peux pas regarder
et puis chaque brune qui passe c'est toi
en moins bien celle-là trop maigre
celle-là trop grosse celle-là habillée trop bien
toi tu es la simplicité même
et puis tu es mal habillée quelquefois j'aime
je n'ai jamais vu ton corps j'avoue
jamais regardé jamais osé
je prie pour qu'on ne se voit plus
c'est trop de joie et de peine en même temps
les efforts que je dois faire quand je te vois
me prendre le bleu de tes yeux dans la gueule
sans trembler ne pas laisser mes sens faire la loi
ne pas te voir c'est ignorer une rose éclose
à deux doigts de mon nez
la souffrance que c'est
oh tu ne peux pas savoir
et là-bas je pensais
alors qu'une future mais hésitante madame
préparait son site internet avec des étrangers
pour un bordel en ligne de blondes en paquets de douze
là-bas je pensais qu'est-ce que je fous là
mais qu'est-ce que je fous là ?
A côté des pauv' types de la CIA ou de chez Coca attendant
de se marier ou de baiser j'attendais j'attendais quoi ? Toi ?
Il n'y avait que le soir qui laissait la folie rentrer
par les fenêtres comme le vent qui s'engouffrait
le soir oui je pensais allongée tu vas me retrouver
"ça s'est passé à Odessa" disait le poète
ça s'est passé, ça s'est passé quoi ?
Il ne s'est rien passé ici rien
que toi et l'idée de toi l'absence de toi et puis ta présence aussi
moi marchant dans les rues vers ton fantôme qui me fuyait en plus
moi assise à l'opéra pensant tu as été là tu y seras quand je n'y serai pas
au concert de l'orchestre symphonique peut-être t'es-tu assise là
exactement là au café français où je me disais tu y étais sûrement
oui souvent tu entendais la même chanson que j'entends maintenant
toi aussi tu as souri à la bêtise cette chanson fleur bleue de Paris
toi aussi tu t'es penchée vers la fenêtre t’emmerdant vaguement
et les chats qui se faufilaient à l'intérieur comme de mauvaises pensées
qu'est-ce que j'ai pu me faire chier dans ta ville c'est incroyable à quel point
le mur de la langue russe je me suis fracassée la gueule dessus vraiment
chaque jour la beauté la laideur de la langue russe comme une musique déjantée
mais les gens qui aidaient quelquefois les baboushkas dans les musées
me traînaient d'une salle à l'autre et souriaient quand elles me voyaient peiner
sur le cyrillique quand j'écrivais quelques mots du poème de Maïakovski
et le sourire de ce soldat oh j'en aurais bien fait mon petit déjeuner de celui-là
si tu n'avais pas été à trotter dans mes pensées depuis des mois
et la schizophrénie de l'Ukrainien en sur-titre à l'opéra sur les affiches
partout dans la rue la bêtise de tout cela
Y-a-t-il quelqu'un à Odessa qui parle l'Ukrainien ?
Y-a-t-il un Ukrainien dans la salle ? Dans la ville de Catherine ?
Sont-ils Ukrainiens ou Russes ou d'Odessa simplement - simplement ?
Car rien n'est simple à Odessa que les gens qui parlent drôlement russe
parait-il mais j'en sais rien moi je suis trop nulle
et la nuit je rêvais de mots russes comme de la crème flottant sur le borsh
difficile à avaler et la ville bouffée par la nature et les graffitis
90 pour cent d'humidité un jour j'étais heureuse à puer dans ma chemise
dans la pénombre d'un internet café rêvant de la nuit à midi tapante
au bruit que tu ferais dans mon lit si tu voulais
si je voulais aussi -mais je crois vraiment bien que oui-
et la tendresse des vieux qui dansent sur les airs de flonflons
dans les jardins publiques le dimanche ou bien la folle
pauvre Salomé fatiguée qui tourne toute seule dans son coin
elle c'est moi et de te revoir à mon travail qu'est-ce que tu fous là ?
Mets-moi une dague dans le coeur si tu veux
ça serait moins cruel, laisse-moi, laisse-moi
qu'est-ce que tu fous chez moi avec tes yeux
qu'est-ce que tu fais là putain tu fais chier
au coeur de l'été toi tu te ramènes !
Et je te dis ma surprise des filles si peu habillées
et des garçons si bien élevés qui ne regardent pas
"oh ils regardent, ils regardent" tu dis de ta voix à la Kathleen Ferrier
comme moi je te regarde maintenant ? je pense mais je ne peux pas
le dire laisse-moi laisse-moi j'allais t'oublier tu sais
je faisais tout pour ça qu'est-ce que tu fous là
avec tes yeux putain ils sont aussi foncés que le ciel
de ton pays -le drapeau ? Oublie, oublie, une moquerie
tu es le drapeau allongée sur le blé - en herbe
et qu'est-ce que j'ai moi à aimer quelqu'un d'aussi jeune
quelquefois je dis à mes amis il faut me flinguer se moquer
il le faut tu es trop jeune aussi et la jeune fille à côté au café
entourée d'une vieille pute et de trois étrangers
"with girls who wanna have fun" elle dit c'est du sérieux
le cul un vrai business mais qui je suis moi pour juger
c'est tellement la merde dans ce pays la vraie currency
c'est les filles et les Américains les Canadiens s'emmerdent
dans leurs boulots en or des "charities" ils s'emmerdent même
dans les orgies avec les esclaves slaves louées pour la nuit
mais c'est bon pour l'économie c'est bon pour l'économie
et je marche dans les rues et je me perds une partie de la nuit
dans la ville où on ne peut pas se perdre parait-il ah bon
et les néons me réchauffent à la fin avec la bière des internet clubs
et la blonde du bar qui sourit à mes trois mots de mauvais russe
et la beauté de ta ville me troue le coeur autant que toi
je ne reviendrai pas et puis la prochaine fois que je te vois
c'est sûr, comme dans le poème, tu vas me dire :
"je me marie" et je serai,
oui,
je serai calme comme le poète de près de deux mètres
je serai je serai...
alors oui vraiment non,
il ne s'est rien passé à Odessa, vraiment rien.

Friday 8 October 2010

on the death of one's colleague

very very strange thing, the death of one's colleague, and at their disappearance we only then realise their greatness and kindness somehow... Gudrun was a colleague of mine and I chatted with her on Monday (or some time last week I am not sure) about her holidays, the great time she had driving in the States visiting so many places there, and me telling her about one mistake I had made (forgot to order one of the textbooks for German) and her being so kind about this, almost humourous, me commenting about how neat and nice her working space was... then I believe it was the day after, I saw her in the restaurant while I was having lunch with other colleagues, and then that was it, next time I heard something about her, she was dead. And we went to lunch at the same restaurant, and I sat, without noticing I have to say, at the place where she was sitting when I had last saw her. Very very strange indeed, the accidental death of once's colleague, too young to die really. And I had heard (as we all did) of an accident. So, of course, thinking of a big accident on the motorway (especially that Gudrun told us about some close shave she had on the motorway a few months before). But no, not at all, she died because she had fallen down the stairs. She had stayed overnight at St John's, after a college diner, and felt down the stairs (probably very medieval steps of stairs, this is St John's after all!) in the morning. And that was that really, a stupid, silly death. Or so we think... but I did, last century (yes this is a while ago now...), study the history of European music and remembered the touching and intimate pages written by Louis Couperin and his friend Froberger about the death of monsieur de Blancrocher, musician, who died after falling down a step of stairs. I am listening to the Couperin's piece now.

It is funny somehow (or perhaps I should use another word, other than "funny" as indeed suddenly we are somehow prude about the words we are using when death is around) how differently we react to the news of death, or some other bad news I suppose. When our boss called us all in the library to say he had some bad news to tell, another colleague and I had tears coming out very easily, and no one else did, but so what? Does the measuring of O.litters of salted tears accounts for what one's truly feels?

There is a text by Montaigne I believe (quoting the ancients but I have not read them) speaking about this... this king who loses his son and hardly cries, but then loses it completely when he loses his dog... one can never measure one's sorrow and we all have our own ways to cope with this, and can be surprised by it... hence me rushing to the church opposite and asking, who was that? St Antony's to take Gudrun into paradise if such thing would exist... and then coming back to work, and doing a guided tour of the library with a smile and asking the IT Officer about something... and that was the whole of the week really, meeting shocked colleagues and sharing a tear or two and then forgetting about it all to do my job required at this time of the year (tours, tours, tours). Spending time also forgetting and remembering it had happened, and not believing, and I still somehow, do not believe I will not see Gudrun again. Last time I had a colleague dying, and I had not been a colleague for a while when I heard, but I had been very attached to her, I did see her so often, so often after she had gone. It has not happened with Gudrun so far, but so far somehow I am not believing it, that she has gone. I can remember her voice and laughter quite well, I can hear her if I wish. And really, it was yesterday almost our conversations. The information will sink in somehow, slowly.

I have just been listening to the Froberger version of the tombeau. How in the end, it finished with a descending scale to figure the fall, how we have to accept that "ridiculous" small death, what we call these days "domestic incidents", happen still. And they are death also, and not ridiculous at all, intimate rather.

Monday 4 October 2010

une dernière image

Je crois qu'il s'appelle Richelieu, c'est le type en haut des célèbres marches (vues dans le Cuirassé Potemkine) c'est aussi je crois, l'un des premiers gouverneurs de la ville... habillé en empereur romain... as you do (?)