Saturday 21 August 2010

impressions de Kiev

Nous les Français on est très bon pour les grandes discussions, les grands jugements, le blahblah, et quelquefois, pour ne pas dire souvent oui, on dit des bêtises... Je ne sais plus quand c'était, fin du XVIIIième siècle ? Début du XIXième ? Un Français se ramène à Saint Pétersbourg, passe environ un mois là-bas et écrit ensuite tout un tas de bêtises sur la Russie. (j'ai lu ça soit dans le Natasha's dance d'Orlando Figes soit dans le Russia and the Russians de Geoffrey Hosking). Il ne parlait même pas russe d'ailleurs et a dû passer sa vie "russe" à aller d'un salon à l'autre au milieu des intrigues, des petitesses et des folies des grandeurs des gens de la haute (ou des Verdurin du coin), le tout en Français... Tout cela pour dire vraiment que j'espère ne pas dire trop de bêtises et de généralisations sur la ville et les gens de Kiev. Et puis je ne suis restée qu'une semaine et je ne comprends ni le Russe ni l'Ukrainien.


J'ai été frappée en premier par la grandeur de la ville et sa beauté, il y a le côté carte postale presque des églises orthodoxes un côté presque irréel mais aussi tout simplement des détails dans les couleurs qui sont si différents de ce que je suis habituée à voir, comme ces tuyaux jaunes par exemple... le luxe soviétique du métro, de la gare, du funiculaire (qui ressemble d'ailleurs plus à une église qu'à un funiculaire).


Je pensais que j'allais comprendre les divisions linguistiques et sociales, je pensais que les gens riches allaient parler Russe et les pauvres Ukrainien mais vraiment ça n'est pas du tout ça, bien qu'il y ait j'imagine plus de gens au pouvoir qui parlent le Russe (c'est en tout cas ce que m'a dit une de mes profs). Il y a des divisions géographiques aussi, l'Ouest parle plus l'Ukrainien ainsi qu'en général dans les villages, mais à Odessa, on parle plutôt Russe, ainsi qu'à Kiev, ou bien si on ne le parle pas, on le comprend (l'article, en Anglais, sur l'Ukrainien est très bien). J'ai remarqué quelquefois le léger mépris des Ukrainiens de langue russe par rapport à l'Ukrainien, qui est pour eux, une sorte de dialecte russe, souvent paysan, il est vrai que c'était la langue de Gogol (celle dans laquelle il ne s'est pas exprimée, contrairement à son père mais peut être aussi qu'il n'a pas pas être publié dans cette langue puisque le Tsar de l'époque l'interdisait?)... langue inférieure, "petit Russe" comme on l'appelait (par rapport au "grand russe" qui était la langue russe). Mais peut-être est-ce un mépris autant social et géographique (la langue des paysans) que linguistique? (après tout c'est un peu la même chose en France: impossible de parler la langue du village à Paris! Mais je reconnais quand même qu'il s'agit d'un patois et plus d'une langue qui a presque disparue maintenant), c'est peut-être ça finalement : l'Ukrainien c'est la langue des "ploucs" , des "bouseux" ?

... Revanche quand même, il y a maintenant un auteur juif d'Odessa (qui auparavant avait comptée dans ses murs l'auteur génial Isaak Babel, de langue russe) qui écrit ses pièces de théâtre en Ukrainien (j'ai lu ça dans l'article de wikipédia sur la langue ukrainienne)

Mon hôte était Russe et la photo de la cage d'escalier menant à l'appartement parle d'elle même (enfin j'espère!) ainsi que les photos des environs. Les jeunes parlent ukrainiens car ils doivent apprendre cette langue à l'école, j'imagine maintenant que c'est la langue officielle des examens... Pays en transit, ville d'élite de la Russie Soviétique (et de la Russie d'avant aussi), Kiev demain ça sera quoi ? Kiev aujourd'hui c'est ça pour moi : splendeur des temps passés soviétique et tsaristes (depuis Catherine de Russie au XVIIIème siècle), élite intellectuelle, scientifique, pédagogique et pauvreté et difficulté aujourd'hui à joindre les deux bouts...

On se moque du côté presque mafieux de la politique ukrainienne (ceci dit étant Française et vu les scandales qui secouent mon pays en ce moment, je ne pense vraiment pas que l'on puisse se permettre de juger!) et je dois avouer que je savoure avec grand délice la seconde partie des aventures du pingouin de l'écrivain de langue russe Andreï Kourkov. On se moque peut-être aussi de la façon de s'habiller des jeunes femmes - ou, devrais-je dire, de la façon de NE PAS s'habiller des jeunes femmes car j'ai eu l'impression de me retrouver dans le fameux théâtre du Maître et Marguerite où les femmes se retrouvent toutes nues, mais je ne pense pas qu'on puisse se moquer vraiment d'autre chose... (et puis les goûts et les couleurs... il n'y a qu'à se souvenir de la photo de mademoiselle Chanel regardant d'un air mauvais une jeune fille en mini-jupe!): la beauté de la ville, même dans ses quartiers les plus pourris, la beauté des femmes (qu'elles nous plaisent ou non), la beauté des hommes (combien de fois me suis-je presque retournée pour regarder encore un visage que l'on aurait pu voir dans Le cuirassé Potemkin) et la beauté des icônes du musée national d'art ukrainien
(on aurait pu facilement emmener toute la première salle à Paris pour l'exposition Sainte Russie tellement toutes les icônes étaient magnifiques. Ce qui est chouette avec les icônes c'est qu'il a des styles, des couleurs différentes selon les écoles : Kiev, Novgorod, Rostov, Pskov, Moscou... je n'arrive pas encore à reconnaître les icônes par ville, mais ça va venir!)

Vu l'énorme drapeau de l'Union Européenne à côté de l''Ukrainien au parlement (ou un autre grand édifice public, je ne sais pas lequel), il est fort possible que l'Ukraine vienne nous rejoindre... je ne sais pas si je dois m'en réjouir ou pas...ce qui je sais c'est que cela pourrait-être un grand gain intellectuel pour l'Europe, et une perte pour la Russie, ou bien peut-être la Russie pourrait-elle nous rejoindre ? (mais je délire là, il faudrait qu'elle soit plus démocratique, et qu'elle le veuille bien, et qu'elle se sente suffisament européenne, ce qu'elle est, et ce qu'elle n'est pas...) Ce que je sais en tout cas (arrêtons là les délires pseudo-intellectuels) c'est que j'ai hâte de retourner en Ukraine et dans d'autres pays d'Europe de l'Est où l'on parle Russe... et puis la cuisine vraiment... délicieuse. J'aimerai goûter les vins aussi... s'ils sont aussi bons que les bières j'y retourne tout de suite!

Sunday 15 August 2010

Madame Raymond

je ne sais plus pardon, si c'est avec un d à la fin ou un t. Madame Raymond, en tout cas, c'était notre prof de Français en classe de première pour le bac. J'ai parlé d'elle l'autre jour, avec une copine que j'ai retrouvée (ou qui m'a retrouvée, je ne sais plus) sur Facebook. On a pris un café ensemble lorsque je suis passée à Paris... Souvenirs, souvenirs... Madame Raymond, c'est quelqu'un que j'arrivais à écouter - ce qui, à l'époque, tient du miracle. C'est quelqu'un qui a réussit à convaincre, quelqu'uns d'entre nous du moins, à lire "à la recherche du temps perdu" pendant l'été. "C'est les des derniers moment de votre vie où vous allez avoir le temps" ou un truc comme ça, qu'elle avait dit. Et ça a marché, en tout cas pour moi, j'ai lu la recherche en entier cet été là. Et je n'ai pas tout compris (si tant est que l'on puisse avoir à comprendre quelque chose, mis à part, évidemment, de savoir se guérir de sa jalousie - après avoir lu "un amour de Swann"). Quelques années plus tard, j'ai relu la recherche (en sautant, je l'avoue, la grande soirée qui se trouve je crois dans "le côté de Guermantes"), et puis quelques années plus tard, j'ai re-relu la recherche -en sautant encore plus de passage. Enfin, revenons à Madame Raymond... j'avais une petite amie amoureuse d'elle, c'est pour dire. Moi non, je n'étais pas amoureuse d'elle mais j'arrivais à l'écouter. Je crois que je n'étais pas la seule. Et il me reste quelques souvenirs de cours avec elle, le passage de Rousseau (peut-être aussi parce que j'étais interrogée... c'est dans le Lagarde et Michard), quelques moments sur les 5 besoins établis par les philosophes grecs, lectures sur un amour de Swann, un commentaire sur "elle a des yeux revolvers" de Marc Lavoine... A l'époque (et à toutes les époques j'imagine) on était mal dans notre peau, on ne savait vraiment pas ce qu'on allait faire de nos vies, on se sentait nuls (en tout cas moi) et c'était une havre de paix que d'aller à son cours (sauf évidemment si on allait se faire interroger...). J'ai eu de la chance, j'ai travaillé vraiment une fois sur un texte, et elle m'a interrogé le lendemain.. pareil pour le bac en musique... la chance des débutants... ça m'a permis d'avoir le bac!). Madame Raymond... que j'ai rencontré une fois au supermarché... et qui m'a parlé simplement, sans ambages... se plaignant du "crush" de mon amie... Magie des bons profs : être modeste, parler simplement en dehors de son cours. Pas de préciosité, temple des riches de la France... J'aimerais bien l'entendre parler la Bettencourt (or whatever her name is spelt). Mais ne nous énervons-pas... dans notre monde ou tout est "en ligne" on trouve aussi le temps de lire sous les arbres avec un bon vieux poche, donc ça n'est pas si mal. Cela, c'est un peu grâce à madame Raymond :-)